Une action solidaire qui valorise l’artisanat sur le long terme
Alice, Pépin chez Frère des Hommes, est partie en mai 2023 à Thiès au cœur de l’artisanat local sénégalais pour réaliser un reportage avec les jeunes apprentis mettant en avant le modèle des ateliers-écoles d’AJE (Action Jeunesse Environnement). Concernant la gestion du projet sur place avec AJE « on avait une liberté d’emploi du temps absolument incroyable, mais j’ai dû réadapter des choses. Car on avait prévu une trame principale pour savoir où on allait, mais finalement tout s’est goupillé sur place au fur et à mesure. Par rapport au planning, étant donné qu’on avait énormément de liberté c’était à nous de prendre les devants » nous rapporte-t-elle.
© Alice Déliau - jeunes artisans interviewés par Alice
L’objectif est de valoriser leurs parcours au sein de cette formation, depuis leur intégration jusqu’à la création de leurs propres activités. Cette formation contribue notamment à ouvrir de nouvelles opportunités professionnelles à des jeunes en situation de vulnérabilité. Ce reportage cherche à donner envie à d’autres jeunes de suivre cette voie, de devenir artisans et de promouvoir le patrimoine et l’identité culturelle sénégalaise. Il a aussi pour vocation d’initier les jeunes au milieu de la vidéo, les impliquant à chaque phase du reportage, de la réflexion jusqu’au montage « J’ai pu leur expliquer comment fonctionnait le logiciel de montage. ». De cette manière, les jeunes pourront par la suite mettre en place d’autres actions de communication vidéo « Le but c’était que les employé·e·s d’AJE s’approprie les contenus, afin que ça leur serve pour la suite » . L’objectif est en effet de faire perdurer la valorisation de leur artisanat avec un transfert de compétences « les artisans eux-mêmes vont pouvoir diffuser les vidéos sur leur propre compte. Ils étaient hyper contents car c’est gratifiant de voir le temps consacré à l’interview, et que le travail et le temps fourni peut être montré. J’ai eu le sentiment que c’était très gratifiant pour eux. En effet, faire ce travail était aussi en adéquation avec leurs besoins car ça venait compléter l’accompagnement qu’ils avaient sur le montage d’un projet professionnel, comment le mettre en valeur et le faire tenir sur le long terme ».
Au-delà de l’action : un apprentissage et un dépassement personnel
Une Pépin rentre toujours des souvenirs plein la tête et des nouveaux apprentissages en poche. Alice nous confie avoir beaucoup gagné en apprentissage personnel « sur place étant donné que c’était à nous d’y aller à fonds, ça m’a sorti de ma zone de confort et ça on en a tous un peu besoin. Je voulais me dépasser, et là-bas, je rencontrais des gens toute la journée, qui ne parlent pas la même langue, c’est énergivore, mais dans le bon sens. J’ai vu une cohabitation de tellement d’ethnies différentes qui était très inspirante. Il y a un mix culturel énorme, même d’un point de vue religieux. Partout, les gens étaient super bienveillants. Là-bas l’espace-temps est vraiment différent. Faut apprendre à s’y faire. Mais ce qui n’est pas plus mal, car ça nous apprend à prendre le temps d’apprécier le temps. La notion du « temps perdu » n’est pas du tout la même. »
© Alice Déliau - Equipe d’AJE
En effet, une action pépin, c’est l’action solidaire, mais c’est aussi l’aventure humaine ; « Je suis tombée sur des personnes géniales, que ce soient les jeunes de mon âge ou les autres. Je ne m’attendais pas à créer autant de liens. Que ce soient les jeunes, ou les salariés, chez qui on finissait même par dormir par moment. Puis la Gambie ! Que ce soit dans le projet ou hors projet, on a vu des luttes, des concerts, des spectacles, de façon générale la vie quotidienne était captivante. C’est vraiment une expérience très immersive, on se donne à fonds donc tout est décuplé en termes d’émotions. »
L’immersion en terres inconnues dépayse totalement et remet en question nos propres rapports au travail, au temps et à l’alliance : « Le fait que j’étais constamment qu’avec des locaux fait que tout était différent de l’approche eurocentrée dans la façon de travailler. Comment on appréhende les choses, comment on organise un planning et comment on s’organise au quotidien, tout était différent. On peut penser que les choses sont plus décousues, mais on arrive finalement aux mêmes résultats tout en étant dans la co-construction. »
Frères des Hommes dispense les futur·e·s pépins de diverses formations sur la transformation sociale, la façon de faire l’alliance et la volonté de ne pas reproduire les schémas de domination au sein des actions solidaires avec ses partenaires. L’accompagnement citoyen du Pépin est une partie capitale de son action et trouve toute son utilité lorsque le Pépin revient pour dresser son bilan ; « j’ai trouvé que tout ce parcours était complémentaire et nous donnait tous les outils dont on peut avoir besoin en amont d’une action Pépin, puis les outils intranet nous ont beaucoup aidé et guidé pour l’action. D’un point de vue général, je pense avoir bien compris comment monter un projet, comment dialoguer avec les personnes, quels rendus faire pour réussir à se projeter, même si la majorité se fait sur place. Cela étant, on est accompagné mais il faut comprendre que c’est à soi de prendre des initiatives et de s’organiser, d’être force de proposition et de faire des impulsions. »
Les Pépins reviennent généralement avec une approche transformée de la façon de faire l’alliance « Oui il existe des rapports de domination au Sénégal entre les hommes et les femmes, culturellement on voit que les rapports de domination sont très encrés, mais en tout cas au sein de l’ONG j’ai trouvé que les choses se faisaient relativement horizontalement, ce qui change de notre modèle à nous, très vertical et hiérarchique. Ce qui est en alignement avec ce qu’on dit au sein de la Pépinière et Frères des Hommes. Tout le monde est sur le même plan et à sa pierre à apporter à l’édifice, en co-construction. Prendre ma place a finalement été très simple. Toutes les conditions sont réunies pour que tu te sentes à l’aise et tout ce que tu dis est pris en compte. »
Enfin, son petit conseil à quiconque souhaiterait effectuer une action au Sénégal : « si la personne part au Sénégal, elle doit savoir qu’on doit se couvrir, car c’est un pays majoritairement musulman. Et en termes de budget il faut demander s’il y a un accompagnateur car c’est à prendre en compte dans le tutorat, et qu’il faut donc compte compter pour deux. »
En conclusion, Alice a appris le fonctionnement d’une ONG, s’est conforté dans ses projets professionnels, a découvert une nouvelle culture, s’est nouée d’amitié avec de nouvelles personnes et rentre en France avec des souvenirs plein la tête ainsi qu’une grande envie d’y retourner et de poursuivre ses efforts pour la solidarité : « ça me donne encore plus envie de m’investir dans le solidaire pour la suite, surtout maintenant qu’il y a un volet France au sein de la pépinière. »
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