Le projet soutenu par Frères des Hommes et mené par Cenca, notre partenaire, a été de donner à ces femmes un espace de « reconstruction » face à cette violence, en organisant tous les 15 jours des ateliers de soutien psychologique et de formation à leurs droits, au cœur même des quartiers. Malgré la sensation de honte qu’ont pu éprouver certaines femmes en participant à ces ateliers et le refus des maris de les laisser participer, le projet a vu se créer un groupe de 15 à 20 femmes. Au cours des discussions menées par une psychologue de Cenca, elles évoquaient ces violences, envers elles-mêmes, leur famille ou leurs voisines, avec au terme de la réunion le sentiment de ne plus être seules, d’avoir des droits et de pouvoir agir de manière collective. Cenca est aussi intervenu sous la forme de deux ateliers dits de « leaders » auxquels 12 et 19 femmes ont assisté au cours du projet. L’idée de ces ateliers, qui se basent sur le partage d’expériences et le témoignage, était de faire prendre conscience aux femmes de San Juan de Lurigancho qu’elles peuvent chacune, sans leur mari, jouer un rôle dans leur communauté.
Le but de Cenca n’était pas seulement de rester limité à la sphère privée mais d’investir la sphère publique, de marquer les esprits. Deux manifestations organisées par notre partenaire à l’occasion des deux journées « de la femme » et « contre les violences faites aux femmes », en mars et novembre 2015, ont rassemblé 500 personnes dans San Juan de Lurigancho.
Ce travail de fond, sur la longueur, initié par le projet, a touché davantage que les
« bénéficiaires directs », dans un quartier où tout le monde se connaît, où les liens entre les familles sont très étroits. C’est toute une communauté de plus de 2 300 femmes qui a été sensibilisée à la question des violences commises envers les femmes.
Sabina Chambi Callo (à gauche sur la photo) est habitante de San Juan de Lurigancho, elle témoigne sur les conditions de vie des femmes de sa ville :
Les femmes subissent la violence et ne connaissent pas leurs droits, il leur manque le respect non seulement de leur mari mais aussi de l’ensemble de la communauté. Dans leur maison, rien n’est privé, tout le monde vit dans la même pièce, tout s’entend, tout se voit. Au début, les femmes qui venaient assister aux ateliers étaient une quinzaine environ. Puis le groupe a grandi, chacune a de plus en plus partagé ses expériences. Un seul homme est venu, les autres n’ont pas bien compris l’intérêt. C’est vrai, la situation met du temps à changer, mais les choses bougent quand même. Les femmes se laissent moins faire, elles se sentent moins seules et osent réagir. Il faut continuer à nous unir, à organiser des marches, des actions. Il faut que nous restions visibles.