Ca fait plus de deux ans que tu es volontaire Frères des Hommes auprès du MPP, qu’est-ce qui a changé ?
Aujourd’hui, je dirais que je me sens faire partie d’une équipe mixte, l’équipe de Frères des Hommes et celle du Mouvement Paysan Papaye. Au départ, j’avais l’impression de n’être ni dans l’une ni dans l’autre, et donc d’être extérieure. J’étais davantage observatrice, je cherchais à prendre le pouls des choses sans être force de proposition, je ne me sentais pas légitime pour cela. Cela m’a pris un peu de temps pour m’intégrer mais aujourd’hui, je me sens faire partie du MPP tout en étant plus proche de FDH. Au fur et à mesure des missions menées par des membres de l’équipe FDH, je connais mieux Frères des Hommes et je sens les adéquations. A présent, je comprends mieux mon rôle de passerelle entre les deux organisations, je vois vraiment la cohérence de mon rôle de volontaire Frères des Hommes auprès du MPP.
Comment percevais tu et comment perçois tu maintenant les mouvements paysans ?
Même avant d’être volontaire en Haïti, je travaillais en lien avec le monde rural. J’avais donc des idées assez solides sur la place que peut avoir la paysannerie dans la société et sur les pratiques de développement. Mon volontariat en Haïti a enrichi ma vision des choses. Par exemple, je n’avais pas intégré toute la complexité qu’il y a d’être un mouvement social, politique et paysan. Je trouve cela fascinant et extrêmement complexe comment un mouvement, comme le MPP, peut porter une vision du changement social dans une société haïtienne où la paysannerie est confrontée à de nombreuses difficultés. Le mouvement essaye de s’organiser, prend des coups, s’écroule, se relève, recommence. Avant, j’avais une vision un peu naïve, je pensais « quand on veut on peut ». Je mesure à présent que lorsqu’on est porteur d’un idéal, c’est quelque chose de lourd et qui demande un effort constant. J’ai l’impression que le MPP a un véritable rôle à jouer avec son approche qui mêle animation rurale (formation) et accompagnement technique des paysans (agroécologie) car il n’y a peu d’alternatives pour que les choses bougent pour la paysannerie, ici, surtout dans le contexte actuel.
Quelles sont tes activités dans le cadre des formations proposées par le MPP ?
Nous avons fait tout un travail avec le Ciedel (Centre International d’Etudes pour le Développement Local) et Frères des Hommes pour transmettre des techniques aux formateurs, par exemple pour que chacun puisse construire son guide du formateur. Dans le cadre des formations, mon rôle est donc d’accompagner les formateurs dans le renforcement de leurs modules. Je travaille avec eux individuellement mais aussi en équipe sur l’aspect technique de leurs formations, sur le renforcement de leurs outils d’évaluation, et sur leurs méthodes d’animation. Comme j’ai aussi beaucoup observé, je suis force de proposition pour enrichir les contenus. J’interviens donc surtout en amont, puis pendant les formations je suis plus dans une posture d’observation afin de voir si le formateur est à l’aise ou non avec les nouvelles techniques que l’on a introduites.
En tant que volontaire, quelle est ta perception du projet mené par Frères des Hommes et le MPP ?
Je trouve que le projet avance bien, que ce soit dans le cadre des formations ou dans le travail avec l’équipe de formateurs. Un des objectifs, par exemple, était de donner aux formateurs envie de travailler et de tester de nouvelles choses en formation. Cet objectif a été rempli et tout le monde joue le jeu. Les deux acteurs se font confiance. Pour le MPP, ce projet est particulier car il est presque entièrement dédié à son renforcement. Les gens s’y investissent avec une vraie volonté de faire perdurer les actions au-delà du projet. Par exemple, je crois qu’ils souhaitent continuer à utiliser les méthodes de l’Approche Orientée Changement (AOC) car cela apporte vraiment des réponses à des blocages.