Sénégal, remettre de l’huile (d’arachide) sur le feu

En 2015, le projet de Frères des Hommes et de l’Union des Groupements Paysans de Méckhé au Sénégal prenait fin. Retour sur trois années qui ont remis l’huile d’arachide dans l’assiette des Sénégalais.

L’heure de gloire de la culture de l’arachide

La culture de l’arachide, un des aliments de base des Sénégalais, avait été très soutenue durant l’époque coloniale. Après l’indépendance, toute la filière fut nationalisée, organisée et profita largement au pays. Dans les années 60 à 70, l’agriculture se mécanise et l’Etat sénégalais lance des programmes agricoles nationaux avec comme effet pour effet l’augmentation des surfaces cultivées et la diminution des temps de jachère (le moment où la terre se repose), l’objectif étant d’augmenter la production. Comme un coup de grâce, les fortes sécheresses des années 70 provoquent des difficultés de production et incitent les paysans à se tourner vers des cultures plus « rapides » que l’arachide, notamment le manioc. En quelques années, la zone de Méckhé (prononcer « Mérhé »), dans laquelle intervient notre partenaire l’UGPM, devient le nouveau bassin de production du manioc, une culture appauvrissant fortement les terres, reléguant l’arachide au second rang dans beaucoup d’exploitations familiales agricoles. Les sécheresses forcent de nombreux producteurs à quitter les villages pour s’installer dans les grands centres urbains ou même à l’étranger (Espagne, France, Italie et pays voisins du Sénégal).

Aller plus loin encore

Depuis sa création en 1985, l’UGPM se distingue des programmes agricoles nationaux (centrés sur la productivité), en (ré)introduisant l’agroécologie dans la vie des paysans. Ils encouragent notamment l’utilisation de véritables semences paysannes. De 2011 à 2013 tout un travail de formation en agroécologie des paysans, d’aménagement des terres a été mené avec Frères des Hommes permettant de ré-atteindre un niveau satisfaisant de récolte. Il fallait aller plus loin encore, et aider les paysan-nes à commercialiser leurs récoltes, c’était le sens du projet mené entre 2013 et 2015. Car la production des exploitations familiales est souvent vendue à des intermédiaires qui se chargent de leur transformation et/ou de leur commercialisation et en tirent les bénéfices alors que potentiellement l’huile d’arachide peut se vendre dans les villes du Sénégal mais est de plus en plus remplacée par de l’huile à base de tournesol ou de soja importés. Pour saisir cette opportunité, il fallait former les paysans, notamment les femmes, principales actrices de cette transformation/commercialisation - à produire une huile de qualité et à savoir ensuite la vendre.

Former les transformatrices

Certaines femmes de Méckhé sont spécialisées dans la production d’huile d’arachide et vont la vendre sur les marchés des villages alentours. Mais le parcours de l’huile est tortueux : Elles achètent aux producteurs de Méckhé et de Touba l’arachide en graines, qu’elles décortiquent à la main ; elles se rendent ensuite à Méckhé pour moudre les graines dans des moulins privés et ramener la farine chez elles. Une fois la farine cuite, elles la pressent manuellement et récupèrent l’huile. Grâce à ce processus manuel, les femmes de Méckhé produisent 35L d’huile pour 100 Kg de graines. Une petite partie de l’huile est conservée au sein de la famille pour sa propre consommation et la majeure partie est vendue localement. Mais la qualité de l’huile est assez faible et limite la vente de l’huile notamment dans les villes voisines. Cette situation s’explique notamment par le manque de connaissances des normes d’hygiène et des limitations techniques liées à l’équipement disponible. Il s’agissait donc de former ces transformatrices, de leur donner les techniques pour produire une huile aux normes mais aussi de leur enseigner les techniques de vente : gestion financière, organisation, calcul des coûts…Mettre en avant l’agroécologie, privilégier les produits locaux contre les produits importés, développer les campagnes sénégalaises, permettre aux paysans et leur familles de vivre de leur terre, telles étaient les ambitions de ce projet, qui appellera d’autres actions.

L’Union des Groupements Paysans de Méckhé (UGPM) est située dans le centre nord du bassin arachidier (Région de Thiès), il regroupe 2 050 exploitations familiales. Les producteurs de cette zone sont majoritairement des femmes que l’UGPM regroupe et dont elle renforce la production et l’identité paysanne. Au total, les paysans de Méckhé cultivent environ 13 788 hectares de terre emblavée, dont 3 030 hectares d’arachide.