C’est un phénomène facilement observable pour tout visiteur qui se rend dans les campagnes haïtiennes, le changement climatique a modifié l’apparence de l’île et a gravement affecté les paysans : « Les saisons deviennent irrégulières, les paysans perdent leurs récoltes, on a eu des années de sécheresse et quand ce n’est pas la sécheresse, ce sont les inondations », affirme Chavannes. À cela s’ajoute en 2016 les dévastations causées par l’ouragan Matthew, dont les paysans ont été les principales victimes. « L’ouragan Matthew a touché en fait l’ensemble du pays. Tout a été complètement rasé sur la côte Sud, et l’Ouest a aussi été très durement frappé dans la grande majorité des communes. Mais le pire c’est la destruction des arbres. À l’échelle du pays 2016 a été une année terrible pour la paysannerie, peut-être moins de 30% des besoins en agriculture sont maintenant produits dans le pays. Heureusement pour la région du Haut Plateau central où nous sommes, tout n’est pas si sombre, 2017 est quand même une assez bonne année. »
Sombre est toutefois la situation politique
Après deux ans de négociations et de reports, l’élection présidentielle a finalement eu lieu en janvier 2017. « Ce sont des élections controversées,dit Chavannes, finalement Jovenel Moïse a été élu président avec moins de 500 000 votes sur 6 millions d’habitants. On sait que c’est le représentant des classes supérieures, qui sont beaucoup dans l’agro-industrie, qui ont investi dans des zones franches agricoles, mais nous, nous parlons de l’agriculture familiale. » Le président nouvellement élu a lancé une « caravane du changement » pendant 15 jours afin de relancer la production agricole, mais « les paysans ne comprennent rien à cette caravane, ils ne sont pas vraiment concernés. Il fallait promouvoir l’agriculture en 2016, après le passage de Matthew, lancer cette caravane maintenant ne sert plus à rien. Il est venu avec 30 tracteurs. L’agriculture haïtienne n’a pas besoin de tracteurs car Haïti est un pays avec 25% de plaines et 75% de montagnes. Et dans les plaines, les parcelles de terres sont petites et dévastées par l’érosion. Cette caravane coûte 300 millions de gourdes (1 344 317 euros) , dont 100 millions pour assurer la sécurité du président. Si on consacrait cette somme aux paysans, près de 125 000 familles pourraient trouver des semences. Mais quand on sait que dans le futur budget, l’agriculture n’est qu’en 5ème position, on voit que ce n’est pas la priorité. »