Léodiague Odener, un des paysans membres du MPP n’hésite pas à le dire : « La solidarité entre paysans est très importante car les paysans restent un des piliers d’Haïti, ils ont un rôle capital. Les gens en ville ne peuvent pas se nourrir sans les paysans, mais malgré ça il n’y a pas d’aide de l’État, l’encadrement c’est le MPP qui le donne. » Les temps de formation en agroécologie organisés par le MPP sont primordiaux pour la création de cette solidarité paysanne. Pendant 6 mois, une trentaine de paysans vit ensemble 15 jours par mois. Joseph Jonsy, un jeune paysan actuellement en formation (voir son interview pages 4 et 5) le confirme : « On se revoit tous les jours avec les paysans qui sont avec nous à la formation. Et quand on ne se voit pas on se parle au téléphone. Il y a des liens qui se sont créés entre nous. »
"En Haïti les paysans sont méprisés"
Et ceux qui ont fini leur formation ont comme mission de former des « brigades agro-sylvicoles » à leur retour sur leur terre. C’est ce qu’a fait Rosemane Philogène : « Cette brigade, ce sont des voisins, on est une dizaine. Selon la période, on va ensemble préparer les sols de chacun ou entretenir les parcelles.
Ce qui motive les gens c’est que ça ne coûte rien et on travaille bien. On va continuer même si le projet s’arrête, on a créé du lien entre nous et avec l’agronome du MPP. En Haïti les paysans sont méprisés, si on arrive à vulgariser la brigade au niveau national, alors moins de monde voudra partir en République dominicaine ou à Port-au-Prince. Tous ceux qui partent viennent de la classe paysanne. » Le projet a aussi mis en place ce que le MPP appelle des « familles modèles », c’est-à-dire des familles paysannes qui ont créé un savoir-faire agroécologique, qui bénéficient d’un suivi technique du MPP et en font profiter les paysans aux alentours. Junaria Odener fait partie d’une de ces familles, près de la ville de Hinche. « Nous avons l’habitude de parler aux voisins des conseils que nous donne le MPP. Par exemple, au moment où ils préparent le sol, ils utilisent le brûlis mais ça élimine les micro-organismes dans le sol, on en parle avec eux. »
Cette année a eu lieu une rencontre entre toutes les « familles modèles » du projet. Pour Junaria, l’intérêt était de pouvoir écouter les autres, de les entendre parler de leurs expériences : « On pensait que ce serait une journée avec un professeur et des élèves mais en arrivant on a vu que les familles partageaient leur expérience, il y avait aussi des échanges avec des formateurs. Toutes les familles étaient là, de Mirebalais ou de Hinche. Et même après, on est resté assez proche avec un paysan de Bassin Zim, on s’est dit qu’il fallait qu’on parle ensemble de ce qu’on avait mis en place sur notre parcelle après cette journée. »