Vous avez 65 ans, vous pourriez arrêter de travailler, n’est-ce pas ?
Je ne peux pas m’arrêter de travailler. La retraite que je reçois est de 600 roupies (7 €). Comment pouvons-nous nous nourrir avec ça ? J’ai commencé à travailler dès l’âge de 10 ans. J’ai environ 65 ans. Je pourrais arrêter si le gouvernement augmentait nos retraites. Nous nous sommes souvent mobilisées auprès des autorités pour réclamer de meilleures retraites, mais sans beaucoup de succès. J’ai un fils qui travaille, mais ce qu’il gagne est insuffisant pour sa famille. Que devrions-nous faire, nous, les personnes âgées ? Le Gouvernement ne nous donne rien.
Quel est votre travail ?
Je suis employée de maison. Je fais la vaisselle et le ménage partout où on a besoin de moi. Je dois continuer à travailler et à apporter ma contribution à ma famille, sinon mon fils risque vraiment de me mettre à la porte. Je ne peux pas être un fardeau. Ma retraite de 600 roupies par mois n’est pas suffisante pour quoi que ce soit.
Quelle est la différence de conditions de travail entre le moment où vous avez commencé et aujourd’hui ?
Avant nous travaillions pour survivre. Nous nous battions pour avoir deux repas par jour. C’était une question de vie ou de mort. A l’époque, notre salaire était de 4 annas (un quart de roupie). Maintenant que nous nous organisons et que nous nous mobilisons, nous avons obtenu certains droits. A l’époque, nous ne pouvions rien demander. Maintenant nous avons une organisation syndicale forte, au service des travailleurs.
Quand avez-vous commencé à vous rapprocher de Fedina ou d’une organisation syndicale ?
Cela fait environ 30 ans. J’ai d’abord rejoint un groupe d’entraide pour femmes. Mais il n’a pas beaucoup aidé. Personne ne nous avait parlé de Fedina. Au tout début, nous nous sommes assises toutes ensemble autour d’une table, nous avons réfléchi et nous avons décidé de nous regrouper. Nous avons cotisé chacune 10 roupies et nous nous sommes mises ensemble. Plus tard, Fedina nous a accompagnées pour nous organiser en syndicat et faire valoir nos revendications. Aujourd’hui, grâce à notre mobilisation et celle de Fedina nous avons maintenant des retraites de 600 roupies mais cela ne suffit pas.
Combien de personnes y a-t-il dans le syndicat ?
Nous sommes 55 femmes. Lorsque tous les groupes de la région se réunissent, nous sommes très nombreuses. Le syndicat prend soin de ses membres. Les élus, c’est le contraire. Ils ne sont pas prêts à nous donner ce qui est notre droit. Ils circulent dans leurs véhicules sur les routes que nous avons construites, les portes et les fenêtres de leurs maisons proviennent du bois que nous avons fait pousser, ils servent un maigre mandat de cinq ans et touchent ensuite une retraite pour le reste de leur vie. Qu’est-ce qu’ils font de nous ? Ils s’inquiètent seulement de savoir si nous votons pour eux ou non.
Comment vous organisez-vous lorsque vous vous adressez aux autorités ? Est-ce une décision collective ? Qui rédige les revendications ?
Nous discutons d’abord de nos besoins, de nos revendications, de manière collective. Ensuite nous faisons une synthèse, aussi de manière collective. Nos besoins sont communs - nous avons besoin de nourriture, de santé, de sécurité, de meilleures retraites - nous pouvons donc facilement avoir une demande commune. Nous sommes un tout.
Qu’a réalisé votre syndicat au cours des 15 dernières années ?
Il ne s’agit pas de savoir ce que nous avons réalisé. Vous savez, beaucoup de personnes meurent dans les rues sans personne pour les enterrer. C’est la triste réalité dans nos quartiers. Mais nous pouvons être sûrs que le groupe, le syndicat, sera là pour prendre soin de nous, pour prendre soin de nos enfants.
Est-il plus difficile d’être une femme dans votre situation ?
Nous aurons tout le temps des difficultés. En tant que femmes, nous devons nous occuper de nos beaux-parents, nous devons nous occuper de nos fils. Mais en fin de compte, personne ne prend soin de nous. Maintenant, avec le syndicat, nous sommes ensemble et nous nous assurons que nous avons toutes au moins quelque chose dans nos assiettes.