Le projet Habla Mujer, projet global.

A José Carlos Mariátegui, banlieue populaire de Lima, les femmes subissent de plein fouet la précarité économique et sociale. Esther Álvarez Estrada, est avocate. Elle tient dans le cadre du projet Habla Mujer (Parole de femme) une permanence juridique très suivie, face à des situations de violences conjugales ou d’abandon par le conjoint.

Comment présenterais-tu ton action ?

Je suis chargée de l’aide juridique, au sein du projet Habla Mujer. J’accueille et oriente des femmes victimes de violence économique, sociale ou psychologique. Les cas de violence économique sont les plus nombreux, très souvent liés à des questions de non-paiement de la pension alimentaire. Ce sont souvent des femmes avec des enfants en bas âge, leurs compagnons les ont quittées. Elles ont entendu parler de cette aide juridique ou elles ont fréquenté les ateliers du projet Habla Mujer. Ça leur a donné le courage de réclamer cette pension. On les oriente ou on prend en charge directement leur défense, on les représente. J’ai actuellement 30 cas de femmes. On est arrivé plusieurs fois à faire condamner les pères à payer la pension ou à commencer à payer la pension quand ils n’ont rien donné pendant des années. On arrive parfois à des accords, après une conciliation. Parfois, mais ce n’est pas la majorité des cas, le père ne donne rien, là on passe au niveau pénal. Généralement, les femmes que j’accompagne ont peur de parler au juge ou aux représentants légaux. Je leur explique quel est le processus, ce qu’il reste à faire. Je les accompagne toujours quand il y a une audience. Elles apprennent au fur et à mesure à ne plus avoir peur et à faire appliquer leurs droits, à s’approprier cet espace juridique qui était lointain pour elles. Elles comprennent que ce sont les droits de leurs enfants et que les pères ont l’obligation de verser cette pension. Elles comprennent qu’il existe une loi de protection de l’enfance en leur faveur. C’est aussi là qu’elles réalisent la valeur de ce qu’elles font en tant que mère, car il existe cette loi de protection de l’enfance, elles pensaient que rien n’existait.

Elles t’appellent ? Comment viennent-elles vers toi ?

Non, tous les mardis je suis à la paroisse, dont les locaux sont mis à la disposition de Cenca. Soit elles ont entendu parler de cette aide par le biais du projet Habla Mujer, soit par le bouche à oreille. Il y a des femmes d’autres zones que Mariategui qui ont entendu parler de cette permanence.

Tu as vu une évolution chez ces femmes ?

Oui, car elles étaient seules avant. Maintenant elles parlent sans problème au juge, ce n’est plus seulement l’avocat qui fait les choses. On avance dans le processus. Mais il y a des cas où ces femmes sont allées voir un avocat qui a malheureusement profité de leur situation pour leur prendre de l’argent, alors que leur situation est déjà très difficile. Profiter de cette précarité, c’est impensable, et pourtant. C’est un accompagnement totalement gratuit. Et pendant cette permanence, on leur parle aussi de nos formations ou même des ateliers du projet. Car tout s’articule, la permanence juridique n’est pas une action isolée. C’est ce qu’on dit aux représentants de la mairie, notre projet est global à Mariategui. On développe le quartier. C’est un projet qui inclut. Le jour de la Journée internationale pour le droit des femmes par exemple, celles que nous accompagnons voient qu’elles ne sont pas seules. Il y a d’autres collectifs qui se mobilisent, dans un district où la violence envers les femmes est forte. Pendant cette marche, elles sortent et elles prennent conscience de leurs droits.

Quel est la force du groupe ?

C’est un processus continu. On le voit dans les formations. Les femmes sont ensemble et se forment ensemble, on voit l’importance de travailler en collectif. Seules elles ne pourraient pas faire la même chose. Le collectif est là et il est important pour transformer une situation.