Pourquoi s’impliquer, en tant que paysan, dans la protection de l’environnement ?
J’ai parlé de ça avec nos aînés, ils me disaient qu’autrefois le pays était moins touché par les catastrophes naturelles, que la végétation était plus importante, plus présente. Je me disais que si aucun effort n’était fait, la situation allait s’empirer, j’ai décidé d’« entrer » en agroécologie pour pouvoir changer les choses. Concrètement cela veut dire s’occuper de manière respectueuse de sa terre, en installant des rampes de paille, des murs secs, des cordons de pierre, toutes ces techniques qui permettent de conserver la couverture végétale et d’empêcher que la terre arable ne soit emportée par la pluie et que l’érosion devienne trop grande.
Pourquoi avoir voulu intégrer un collectif pour cela ?
C’est dans l’intérêt de tous les paysans du collectif. Quand on se met ensemble, on fait davantage de choses, on produit donc plus. En collectif, les paysans deviennent un tout, ils travaillent plus et mieux, ils se protègent les uns les autres, ils s’encouragent, ils s’unissent, les divisions entre eux ont tendance à disparaitre.
Comment est considéré le paysan en Haïti ?
Les paysans sont livrés à eux-mêmes, c’est à eux de se débrouiller pour tout. L’État est absent, il n’encadre rien. Le peuple haïtien est un peuple qui sait travailler dur. Si l’État était plus présent, je pense que le pays pourrait aller loin.
Beaucoup de jeunes (ou de moins jeunes) quittent la région du Haut plateau central où vous êtes installé pour s’installer en République dominicaine ou en Amérique latine ? Pourquoi le font-ils ?
C’est un phénomène qui est bien réel, qui concerne les jeunes et moins jeunes et qui m’a touché de près. Mon cousin a émigré au Chili par exemple. Aujourd’hui c’est avec beaucoup de tristesse que nous voyons les gens quitter les campagnes. Et là encore une fois, l’Etat brille par son absence, il pourrait retenir toutes ces personnes qui émigrent en créant de l’activité. Moi je souhaite que tous s’unissent pour remplacer nos dirigeants. Il n’est pas normal que même une personne diplômée de l’université ne trouve pas de travail en Haïti.
Quel est pour vous le principal obstacle au développement d’Haïti ?
Le principal obstacle au développement d’Haïti c’est le manque de confiance et le manque de conscience. Un petit groupe s’est accaparé la richesse du pays. La grande majorité de la population n’a elle bénéficié de rien. Mon espoir c’est que le pays change, que celles et ceux qui quittent le pays trouvent un travail chez eux et qu’ils restent. Mon rêve est que les filles et les fils de ce pays puissent manger à leur faim et trouver un logement décent. Pour arriver à cela, il faut continuer à sensibiliser la population, il faut pouvoir se rassembler et créer une force commune.