Le confinement, le 25 mars de 1,353 milliard d’Indiens a pris toute la population par surprise. « Il a été imposé d’une façon complètement déconnectée de la population, sans préparation, d’une manière unilatérale et presque autoritaire » rapporte Sebastian Devaraj, directeur de Fedina, notre partenaire en Inde. « Les femmes ont été durement touchées » finit-il. Le propos est le même chez Nunu Salufa, qui dirige l’Association pour la promotion de l’entrepreneuriat féminin (APEF) dans la ville de Bukavu : « Ici les plus affectées sont les femmes. Ce sont elles qui vont au marché, qui apportent à manger à la maison. Tout le monde devait rester chez soi mais elles sortaient quand même, elles n’avaient pas le choix. » Le lien est très fort entre l’APEF, Fedina et les populations a été la digue qui a permis de contenir la crise et de trouver des solutions. « Personne ne pouvait circuler dans Bangalore, dit Sebastian, la police était très stricte, voire brutale. Ça a été très compliqué pour nous de lancer des actions pendant cette période. On a finalement obtenu les permis pour se déplacer et reprendre contact avec les femmes que nous accompagnons. On a pensé à l’opportunité de fabriquer des masques car nous collaborons avec des travailleuses du textile qui ont des machines à coudre chez elles. 10 000 masques ont été fabriqués et donnés gratuitement aux habitants des bidonvilles, surtout les plus âgés. »
"Il faut se préparer à trouver des solutions en allant du côté des femmes"
La mobilisation à Bukavu s’organise aussi autour de la fabrication de masques : « Les femmes que nous avions formées se demandaient ce qu’elles pouvaient faire. L’APEF possède un centre de formation, les femmes ont les compétences. Elles sont venues ici, on les a accompagnées. On s’est dit à ce moment qu’on formait vraiment un tout. Une commande de 20 000 masques est venue du Syndicat des entreprises du Congo. Toute l’équipe de l’APEF restait tard la nuit avec elles » se rappelle Nunu. Rester soudés a été le leitmotiv de Fedina et de l’APEF, face à un système social qui laisse peu de chance aux personnes en situations de vulnérabilités. « Les castes les plus basses sont les classes les plus populaires, analyse Sebastian, elles travaillent dans le secteur informel et ont été les plus touchées par la crise. Les employées de maison n’ont par exemple pas de sécurité sociale, elles ne peuvent compter que sur elles. » Du côté de Bukavu, l’expérience est identique, Nunu constate : « Si l’État faisait son travail, la situation ne serait pas celle que nous connaissons. Si vous insistez pour que la population porte des masques, donnez-lui les moyens de porter des masques ! On demande aux gens de se confiner alors que ces gens n’ont rien. » Après environ 3 mois de confinement, la situation à Bangalore s’est un peu apaisée [NDLA, les témoignages ont été recueillis en mai 2020], Fedina va poursuivre ses formations mais d’un nouveau genre, à distance, en faisant appel « aux plus jeunes dans les quartiers populaires, qui connaissent la technologie pour communiquer et qui vont accompagner les femmes retraitées que nous formons » précise Sébastian. L’APEF travaille sur la seconde phase de son projet avec Frères des Hommes. « Il faut se préparer, conclut Nunu, à trouver des solutions, en allant surtout du côté des femmes. Quand je regarde ce qu’elles font, je me dis qu’elles peuvent relever de grands défis. »