Tu disais avant cet entretien que le tremblement de terre du 14 aout avait été bien plus destructeur que les chiffres annoncés.
On ne peut pas avoir confiance dans les données du gouvernement mais il y a des organisations de la société civile qui sont sur le terrain et qui sont en train de rassembler des informations. C’est tout un réseau d’associations. Ces chiffres sont encore provisoires car on cherche encore des victimes sous les décombres. L’Etat n’a pas les moyens d’aller faire ce travail. En fait le tremblement de terre d’aout dernier est beaucoup plus désastreux que celui de 2010 qui avait fait plus de morts car ce dernier était concentré sur Port au Prince mais là ce sont les paysans qui sont touchés. Certains ont été ensevelis corps et biens. Nos données parlent de 2 000 morts, 5 600 blessés et plus de 100 000 familles sans abri, leurs maisons sont soit détruites ou très endommagées. Ils ne peuvent pas y rester car plus de 500 répliques ont déjà été enregistrées. Les gens sont dépourvus de tout, les infrastructures pour l’eau sont détruites, on ne peut même pas se rendre dans les villages car les routes sont totalement coupées.
Qui vient en aide aux paysans ?
Il y a beaucoup d’ONG dans cette région, mais elles restent dans les grandes villes comme Jérémie ou Cayes. Elles ne vont pas dans les campagnes. Les paysans sont livrés à eux-mêmes, ils ne savent pas qui appeler. Il n’y a pas de coordination entre le gouvernement et les structures sur place. Notre région, le Haut Plateau Central n’a pas été touché, nous avons ressenti la secousse comme dans tout le pays mais le sud a été le plus atteint. Avant le tremblement, les routes y étaient dans un très mauvais état, c’est pire maintenant, elles sont impraticables. La population reste sur place, elle ne se déplace pas car elle ne veut pas abandonner ses terres.
Comment le MPP a-t-il réagi ?
Nous sommes membres de plusieurs réseaux paysans que nous avons contactés. C’est avec eux que nous avons rassemblé les données de terrain, que nous avons ensuite partagés avec d’autres organisations paysannes et avec nos partenaires à l’étranger. Nous sommes ensuite en train de rassembler de l’aide matérielle et alimentaire pour l’acheminer dans la région du sud et de lancer des appels à la population du centre. Un convoi va être organisé dans les jours qui viennent. C’est une aide d’urgence, on apporte de l’eau, de la nourriture, des vêtements. Ce sont des kits sanitaires. On réfléchit aussi dans un 2ème temps à comment acheminer des semences et des outils aux paysans pour faire face à la crise. Il faut organiser ça avec la police pour sécuriser les convois car les risque de vol sont nombreux. Des animateurs et des agronomes du MPP vont aussi se rendre sur place pour renforcer les animateurs des organisations locales.
Les malheurs semblent se succéder en Haïti, comment la population fait-elle pour résister ?
Le pays est dans une zone très sensible en termes sismiques, avec des autorités qui ne font pas leur travail, les bâtiments ne sont pas construits pour résister. On sait que le risque d’un tremblement de terre encore plus fort que celui d’aout est possible. Il y a un peu de sensibilisation de faite sur ces risques mais cela ne suffit pas. La population continue de résister, je ne saurais donner les raisons exactes mais il y a une véritable solidarité entre Haïtiens. C’est ça qui nous garde en vie.
Est-ce que des élections sont prévues ?
Il n’y aura pas d’élections sans un conseil électoral accepté par tous. Les Etats-Unis et la communauté internationale parlent de fin novembre, après l’assassinat de Jovenel Moise. Ça n’arrivera pas car il n’y a aucune préparation de faite. Il faut un consensus de tous les acteurs politiques du pays. Il n’existe pas. Les gangs sont toujours là, ils laissent passer les convois d’aide mais ils sont toujours présents dans Port-au-Prince. La justice haïtienne enquête sur l’assassinat de l’ancien président mais un juge sans expérience a été nommé. Le résultat s’annonce très compliqué tellement les zones d’ombre sont nombreuses.