Marie-Pierre figure parmi les plus longs VSI de l’histoire de Frères des Hommes. Même si résumer six années d’accompagnement, d’histoires et de récits est une tâche quasi-impossible, nous avons pour vous, essayé d’en dessiner les grandes lignes.
Volontaire depuis 2017 : qu’est-ce qui fait que tu as eu envie de poursuivre ton VSI, année après année ?
Je dirais que c’est le fait que ma mission ait évoluée entre les deux VSI que j’ai réalisé. Le premier était à l’UGPM, à la base un contrat de 2 ans, et c’était plus ou moins le démarrage du projet. Après ces deux années, Frères des Hommes m’a proposé de reconduire le VSI pour une année supplémentaire. Et j’ai accepté car on était dans la continuité du projet. On avait commencé des choses que je voulais poursuivre avec l’UGPM : les groupements, les parcours de formations, les capitalisations etc. Puis, le deuxième VSI qui a démarré en 2021, c’était une autre mission, parce qu’il y avait à la fois Concept, basé à Dakar, avec un autre public cible (les jeunes) dans un autre contexte (en milieu urbain, populaire, dans l’artisanat) et c’était aussi d’autres missions, d’autres challenges. De plus, c’était une équipe jeune, il y avait plein de choses à construire, car ce projet c’était aussi une première pour Concept. Et c’est dans la même logique qu’après les deux premières années, j’ai décidé de poursuivre sur ma lancée.
Tu avais donc plusieurs casquettes, peux-tu nous préciser quel fut ton rôle pour chaque organisation et nous en dire un peu plus sur tes missions principales ? Y retrouves-tu un fil conducteur ?
Le fil conducteur c’est celui qui réunit Frères des Hommes et l’ensemble de ses partenaires, c’est la formation. Que ce soit chez Concept ou à l’UGPM, il y avait un volet formation assez important et qui a pris une grande place dans les deux projets. Il y a eu beaucoup de co-construction, de mise en place de parcours de formation pour les bénéficiaires et les animateurs des équipes, des contenus de formations ont été créés et des capitalisations ont été réalisées dans les deux projets.
Au niveau de l’UGPM, lors de la première phase du projet, il y a eu beaucoup de mobilisation des connaissances et des pratiques qui étaient déjà en place dans l’organisation, qui ont été enrichies dans les échanges dans le cadre du Collectif Former pour Transformer et des échanges avec Frères des Hommes pour les faire rentrer dans une certaine logique et atteindre l’objectif de renforcement des groupements et des capacités des animateurs endogènes. La deuxième phase était plus focalisée sur la consolidation de ces acquis (formations), la participation, et la mise en œuvre des actions par les bénéficiaires eux-mêmes.
Pour Concept, c’est pareil. Il y avait cette partie de création de contenu de formation, et un gros volet au niveau de l’équipe avec une amélioration des méthodes de travail, avec la mise en place d’ateliers de travail pour qu’ils puissent eux-mêmes mieux mobiliser leurs savoirs et mieux s’adapter aux besoins des jeunes, créer des méthodes et des pratiques qui pourront bénéficier au mieux aux jeunes.
Enfin, il y a un volet plus global et commun à mes deux volontariats c’est la partie accompagnement du partenariat et communication avec Frères des Hommes et participation aux échanges au sein du Collectif Former pour Transformer.
Concernant l’UGPM (région de Mechké)
As-tu observé une meilleure implication des membres dans la vie des groupements ?
Oui je pense que d’une manière générale l’objectif de meilleure participation a pu être observé. Cette deuxième phase du projet a permis de voir, notamment avec l’étude d’impact qui a été réalisée, leur ressenti et de voir comment la dynamique a évolué dans les groupements. Et on a effectivement constaté une meilleure participation des membres dans la vie de leurs groupements ainsi qu’une meilleure cohésion, avec le renforcement des services aux membres et le partage d’idées. Même s’il y a toujours des efforts à faire dans certains groupements, d’une manière générale, il y a certaines activités phares qui ont permis de mobiliser cette participation, notamment tout ce qui est activité communautaire – collective. Et ce sont des activités comme ça qui permettent à chaque membre de participer aux services à la vie du groupe, mais aussi d’en bénéficier.
Quels impacts concrets as-tu observé parmi ces groupements ?
Sur le plan collectif, les activités communautaires ont permis de renforcer la participation de chacun·e dans les groupements et le fait que les membres ont pu mieux ressentir les intérêts de se construire en collectif. Mais il y a aussi des réunions, des animations qui ont été mises en place, qui ont permis aux membres de pouvoir traiter des thématiques qu’ils souhaitaient aborder, il y a des espaces qui ont été créés pour que les jeunes puissent s’exprimer. De manière générale, il y a eu beaucoup plus de participation au sein des espaces collectifs et des activités collectives citoyennes qui ont été montées dans les groupements. Au niveau individuel, on a constaté qu’il y a eu une amélioration de la confiance en soi et de l’affirmation de soi, notamment des animateurs endogènes qui sont accompagnés par l’UGPM qui bénéficient de formations pour animer et accompagner la vie du groupement. Et surtout, ce qui est intéressant dans cette deuxième phase du projet, c’est qu’elle ne s’intéresse pas seulement aux animateurs endogènes, mais aussi aux membres des groupements, qui prennent aussi une casquette de leader dans leur village, ainsi que des personnes qui n’appartiennent pas nécessairement au groupement, mais qui ont pu bénéficier de formations et ont pu participer à des espaces d’échanges. Toujours sur le plan individuel, on a pu constater l’émergence de nouveaux leaders dans le sens où des personnes ont pu prendre des rôles à responsabilité au sein des groupements, notamment des jeunes. Car il y a eu des renouvèlements des instances des groupements via des assemblées générales qui ont été convoquées pour justement, permettre ce renouvellement. Parce-que certains groupements étaient gérés depuis des années par les mêmes responsables par exemple. La problématique de l’exode rural reste très compliquée au niveau des jeunes. A l’échelle du projet et à l’échelle de l’UGPM, il y a des efforts qui sont faits pour aller vers les jeunes et les intégrer notamment à travers la création du collège des jeunes. On a des exemples de jeunes qui se sont réinvestis dans la vie locale. Mais il y a encore beaucoup de choses à faire pour aller dans le sens des jeunes.
© Frères des Hommes – Collège des jeunes – Mechké
Concernant Concept (Dakar)
On évoquait des micro-entreprises fondées par les jeunes, où en sont-ils aujourd’hui ? Est-ce que ces projets perdurent ?
Oui, ces micro-entreprises, qui ont été créées par les jeunes en groupes, ont pu mettre en avant leur savoir et leur travail à travers la foire qui avait été organisée en 2022. Cela a été un moment assez phare dans la vie de ces groupes de jeunes entrepreneuriaux. Ces groupes ont continué d’être suivis par l’équipe de Concept par la suite, pour analyser leurs difficultés. Certains groupes ont continué leur activité, envisagent d’aller à des étapes supérieures. Et en revanche, pour d’autres c’était difficile de travailler ensemble. Ils ont fait des erreurs dans la gestion. Cela ne leur a pas permis de continuer. D’autres, parce qu’ils sont jeunes et qu’ils n’avaient jamais expérimenté ce niveau de responsabilité, n’ont tout simplement pas réussi à faire perdurer leur projet. Mais dans tous les cas, l’accompagnement se poursuit et on analyse les leçons qui ressortent de cette expérimentation. Car même si, tous les projets n’ont pas marché, l’objectif de création de ces micro-entreprises, c’était avant tout qu’ils puissent se lancer, voir ce que c’est que d’entreprendre et que d’être responsable d’une petite entreprise, de collaborer à plusieurs etc. Sur ce plan-là, l’apprentissage a été fait. Des ateliers sur la gestion et le marketing ont été mis en place pour qu’ils puissent continuer d’acquérir de nouvelles connaissances pour se renforcer sur le long terme.
Quelles évolutions constates tu depuis la mise en place de ce projet ?
Les évolutions, elles, se constatent à différents niveaux. Je pense que l’élément intéressant dans ce projet c’est que, certes c’est un accompagnement dont la porte d’entrée est l’apprentissage d’un métier artisanal que les jeunes visent, mais c’est aussi un accompagnement qui est global et qui intègre tous les aspects de leurs vies. Que ce soit au niveau de la famille, au niveau de la vie communautaire, que ce soit au niveau des relations, ce projet-là a cette particularité de toucher à tout et d’être sur une durée assez longue. C’est vraiment un accompagnement de proximité. Je pense que ça a permis à plusieurs jeunes de ne pas être seul·e dans leur évolution et de toujours avoir, à travers l’équipe de Concept et des activités mises en œuvre, cette présence. De pouvoir évoluer, répondre à certaines questions, de pouvoir avoir des contacts, de sortir de leur zone de confort, d’être renforcé sur leur affirmation d’eux-mêmes, d’être éveillés à de nouvelles questions et problématiques. On a pu constater qu’il y a eu plusieurs jeunes qui ont acquis plus de facilité à s’exprimer, pour pouvoir formuler eux-mêmes leurs aspirations et prendre des initiatives. Rien que le fait qu’ils puissent venir voir certaines personnes de l’équipe pour parler, c’était déjà l’un des points forts du projet. Lors d’un atelier de retour d’expérience on a pu voir que les jeunes avaient vraiment un ressenti très positif, qu’ils considéraient cet accompagnement comme un avantage par rapport aux autres jeunes qui sont plus ou moins dans la même posture qu’eux. C’est-à-dire d’autres jeunes qui apprennent des métiers mais qui n’ont pas cet accompagnement-là.
Peux-tu nous parler des ateliers sur les vulnérabilités ?
Ces ateliers ont permis de partager avec les jeunes sur la notion de vulnérabilité, sur le fait que c’est une notion qui finalement les concerne, mais qu’elle peut aussi concerner tout un chacun, qu’elle est dépendante du regard des autres et de la société sur soi. Et c’est aussi la manière dont chacun·e « embrasse » ses vulnérabilités, apprend à les détecter, à trouver des solutions pour les dépasser soi-même ou en faisant appel à quelqu’un, en étant ouvert sur le monde, sur ce qui existe comme ressource. Donc c’était ça l’idée. Ces deux ateliers ont vraiment permis d’atteindre un autre niveau de connaissance des jeunes qui ont nourri d’autres idées d’activités à mettre en place dans le cadre du projet.
© Équipe de Concept (Marie-Pierre au milieu en bas)
Pour toi, quel est le sens de ton engagement en tant que VSI chez Frères des Hommes ?
Le sens de mon engagement c’est avant tout pour les projets. Je trouve que ce soit au niveau de l’UGPM ou de Concept, ce sont des projets qui parlent à mes valeurs. Ce sont des projets où j’ai appris beaucoup et où j’ai aussi eu le sentiment d’apporter quelque chose. Même sur le plan des apprentissages mutuels, de l’intégration avec FDH, le contact avec les autres organisations, ce qu’elles font, il y a tout un niveau de partage qui est intéressant et c’est ça aussi qui a nourri mon envie de continuer année après année.
Quel fut ton meilleur souvenir de tout ce temps passé au Sénégal ?
Il y a eu pleins de moments forts. Au niveau de l’UGPM, avec le voyage d’échange avec le MPP en 2019, c’était une semaine d’échange, de partage et de découverte hyper intéressante. A Concept, c’étaient les ateliers sur les vulnérabilités où des jeunes nous ont partagé des témoignages qui ont été forts en émotions.
Quelle a été ta plus grande réussite ?
Je dirais que le simple fait de voir les projets avancer, les processus de mise en œuvre des actions auprès des populations, et le fait que ce soit au niveau de Concept ou de l’UGPM, on a pu améliorer les pratiques des méthodes de travail pour que chaque personne de l’équipe puisse apporter sa touche pour nourrir les projets. De voir que de part et d’autre j’ai été bien intégrée, bien que ça soit deux milieux très différents. J’ai vu que ce que j’ai apporté a été valorisé, rien que de voir qu’ils étaient contents c’était ça ma réussite.
Le ou la volontaire de solidarité internationale représente un réel support de transmission et de facilitation dans nos projets avec nos partenaires à l’étranger. Nous remercions chaleureusement Marie-Pierre pour son investissement au sein de Frères des Hommes et lui souhaitons une belle continuation dans la solidarité !