Qu’est ce qui soude les employées de maison de votre syndicat ?
Vous savez pourquoi nous restons ensemble ? C’est parce qu’autrement, nous ne pouvons pas réussir. Qu’il s’agisse d’un conflit sur le lieu de travail, d’un problème de violence à l’intérieur d’une famille, ça n’est pas possible de le résoudre sans une intervention extérieure. Or les gens ne peuvent aller au tribunal, cela coûte trop cher. Il vaut mieux que les problèmes soient résolus en direct, c’est là qu’intervient notre collectif.
Comment voyez-vous le lien entre Fedina et votre syndicat ?
Fedina est une organisation que nous pouvons approcher très facilement lorsque nous avons besoin de soutien et de conseils. C’est comme notre propre bureau. Il est important que nous travaillions ensemble car même si nous nous mobilisons, les femmes de notre syndicat ne comprennent pas forcément les tenants et aboutissants de leur situation. Elles ne voient pas qu’il peut exister une alternative. Une fois qu’elles l’ont compris, même si ça n’est pas facile, elles savent qu’il y a une solution, qu’il y a une issue. Lorsque quelqu’un comme Fedina est là pour écouter, répondre et donner des conseils, les gens adhèrent. Mais ce doit être mutuel. Car l’équipe de Fedina sait peut-être lire et écrire, mais cela ne garantit pas qu’elle comprenne mon combat, ma douleur et ce que j’ai vécu.
Est-ce que certaines employées quittent le syndicat, frustrées que leurs attentes ne soient pas satisfaites ?
Beaucoup de celles qui ont quitté le syndicat sont revenues après avoir rencontré des problèmes pour lesquels nous sommes intervenus. Nous avons trouvé des solutions et leur avons montré ce que le syndicat pouvait faire. Elles sont restées par la suite.
Quel est l’origine sociale de vos membres ?
Elles sont toutes originaires de Bangalore, toutes employées de maison et toutes en situation de vulnérabilités.
Comment vous mobilisez vous pour elles ?
Par exemple, il y a eu ce cas où une femme subissait beaucoup de violence de la part de sa belle-famille. Les membres de son syndicat ont discuté de la question et ont décidé d’intervenir. Ils sont donc allés chez elle, ont rencontré sa belle-famille et leur ont dit que ce harcèlement devait cesser et que si quelque chose arrivait à la femme, le syndicat porterait plainte. Ils ont ramené la fille chez ses parents et dit à son mari qu’elle ne reviendrait qu’une fois que le syndicat aurait obtenu des garanties de sa part que la violence ne recommencerait pas.
Comment faire face à ce rapport de domination masculine ?
Nous devrions montrer aux hommes que les femmes qui travaillent font marcher la société. Si nous arrêtons, alors tout s’arrêtera. La relation que nous avons avec eux doit évoluer pour que cette société change vers plus d’égalité. Cela dit, les employeurs, car ce sont très souvent des hommes, comprennent un peu mieux les actions de notre syndicat. Le chemin a été long, par exemple quand des employeurs ont appris que j’étais en charge de l’organisation du syndicat, ils m’ont appelée, très méfiants sur que ce qui allait arriver à leurs employées. Je leur ai dit qu’ils étaient les bienvenus à nos réunions, pour qu’ils comprennent enfin les problèmes de ces femmes. Jamais ils n’avaient même pensé à leur demander directement. Petit à petit, les mentalités de certains employeurs évoluent.
Quel est votre rêve pour l’Inde ?
La situation actuelle des travailleuses en Inde est terrible. Nous devrions tous avoir de belles maisons et nos enfants une bonne éducation. Il y a des gens privilégiés qui mènent une vie luxueuse, nous devrions également avoir cette vie et ne pas être considérés comme "ces gens des bidonvilles". C’est mon seul rêve. Que nous soyons tous égaux. Nous venons nous aussi d’un quartier important de la ville, celui des gens qui travaillent.