Sur quoi se focalise ce nouveau projet ?
L’axe principal est l’environnement. C’est une question qui concerne tout le monde, elle n’a pas de frontière, de religion ou de classe sociale, d’âge ou de sexe. C’est pourquoi nous avons décidé de travailler avec tous les acteurs qui sont dans la zone du projet et non plus seulement avec les membres du MPP. En ce moment, nous sommes en train de de consulter ces différents acteurs pour qu’ils intègrent les Comités citoyens que nous avons mis sur pied. Ces comités sont composés de professeurs, paysans, personnalités locales. Ils se rassemblent et mettent en place des actions de protection de l’environnement, comme la création de pépinières, ou des parcelles de démonstration pour sensibiliser les gens pour mettre en place des jardins écologiques. Ce qui m’a marqué, comme Haïtien, comme coordinateur du projet, c’est l’intérêt que les participants ont manifesté pour ces comités dès les premières réunions, même si ils ne viennent pas de la même classe sociale, même si leurs positions sont différentes. Ils se sentent à l’aise pour adhérer à l’idée, ils sont très conscients de la dégradation de l’environnement.
Quelle est la situation environnementale en Haïti ?
C’est une question difficile en Haïti. L’environnement est très fragile dans le pays. C’est pour cela que nous organisons avec les Comités citoyens, dont je viens de parler, des petites actions qui vont servir d’exemples, de repères aux autres paysans. En Haïti aujourd’hui, on parle de moins de 2% de couverture forestière naturelle. Sans intervention, sans action, Haïti va devenir un désert. C’est pour cela que tous les acteurs du milieu rural doivent se mobiliser. Le MPP dès sa naissance en 1973 a travaillé sur la question de l’environnement. C’est un de nos axes prioritaires, nous formons des paysans à l’agroécologie, qui vont eux-mêmes accompagner d’autres paysans. Nous mettons en place des brigades agrosylvicoles et des groupements paysans. Ces groupements font de l’agriculture, de l’élevage, mènent des actions économiques pour la communauté, certains font de la production vivrière. Les brigades agrosylvicoles, ce sont des paysans qui se regroupent et s’entraident. Ils travaillent trois jours dans la parcelle d’un paysan, puis la semaine d’après dans celle d’un autre paysan, et ainsi de suite. La protection de l’environnement est d’une importance capitale pour notre organisation.
Il semble que beaucoup de jeunes quittent les campagnes haïtiennes ces dernières années
Beaucoup de jeunes ont effectivement quitté le département du centre où le MPP est basé. Nous avons fait un diagnostic social et économique de la zone du projet, avant le début de celui-ci. Un chiffre m’a étonné : 18 000 jeunes sont partis depuis 5 ans vers la République dominicaine ou Port au Prince. Ils partent faire des études ou chercher du travail. Ça ne concerne pas que Port au Prince, toutes les grandes villes du pays voient arriver de plus en plus de personnes venant du milieu rural. Et beaucoup de parents disent à leurs enfants de rejoindre les villes même si ces derniers ne savent pas exactement ce qu’ils vont y faire. Car on considère le travail de la terre comme un travail pénible, comme un travail méprisable.
Est-ce que la situation a empiré pour les paysans haïtiens ou s’est au contraire amélioré ?
Les deux. De manière générale, le paysan est isolé. Il n’a pas accès aux semences, aux prêts agricoles. Il a toujours été considéré dans la société comme une personne à l’écart, qui n’a pas accès aux services sociaux de base. Mais cela change, les paysans qui s’organisent ont plus de possibilités. Ils dialoguent plus facilement avec l’État et sont accompagnés par différentes organisations. Leur formation, que nous appelons « formation émancipatrice », est très importante pour qu’ils changent leur situation. Ceux qui agissent en collectifs et se forment deviennent des acteurs de transformation sociale.